Qui
m’aurait dit lorsque j’ai publié ici il y a quatre ans un billet
sur mon fort penchant pour les fragrances à base d’iris, que
celui-ci me permettrait d’être aujourd’hui un témoin privilégié
d’un grand événement dans l’univers de la parfumerie ? On
dira que c’est le pouvoir incroyable
de la Toile et de ses réseaux sociaux.
Mon coup de foudre pour
l’iris date des années 90, lorsque j’ai participé à une
conférence olfactive organisée par l’Osmothèque. Ce
Conservatoire International du parfum a pour vocation de protéger
le patrimoine mondial de la parfumerie et réunit à ce jour plus de
3200 parfums dont 400 disparus. Lors de ces conférences, les visiteurs peuvent découvrir ou redécouvrir des parfums de légende, comme Iris Gris de Jacques Fath, créé par Vincent Roubert en 1947 pour ce grand couturier d’après-guerre.
Le flacon original d'Iris Gris est celui au bouchon cônique à droite Crédit photo Osmothèque |
La découverte de ce
parfum fut une révélation pour moi et depuis, je n’ai cessé de
rechercher le parfum qui saurait au mieux se rapprocher de l’émotion
ressentie. Iris Gris n’est, en effet, plus produit depuis la
disparition de Jacques Fath en 1954 : sa diffusion n’aura duré
que 7 ans.
Cela fait donc une vingtaine d’années que je guette les
nouvelles créations à base d’iris et, comme je l’ai raconté
dans un autre billet, j’ai même fait l’acquisition d’un flacon
original dont le contenu était malheureusement très dénaturé.
Et
voilà qu’au mois de mars dernier, je reçois un message d’une
chargée de communication des Parfums Jacques Fath qui souhaite me
rencontrer pour parler d’Iris Gris ! En même temps, ma fidèle
lectrice et experte en parfums @chez_emile (un immense merci à elle)
me prévient qu’un iris est présenté à Esxence, salon de la
parfumerie haut de gamme qui se tient en avril à Milan.
Ma
patience est alors mise à rude épreuve jusqu’à ma visite, chez
Panouge, éditeur des Parfums Jacques Fath.
Rania Naim, la Directrice de la
création, m’a alors raconté l’incroyable aventure de ce parfum
mythique. Mythique parce que sa composition met l’iris en vedette
dans une concentration jamais égalée et en fait un des parfums les
plus chers au monde. Mythique parce qu’on le croyait à jamais
perdu et qu’il a suscité jalousie, convoitise et déchaîné les
passions dans le milieu du parfum. Il faut préciser que l’Osmothèque
est le seul détenteur de la formule originale : la Maison
Jacques Fath s’est donc finalement décidée à lancer un concours
international de parfumeurs pour reproduire le plus fidèlement
possible ce grand parfum. La marque s’est entourée d’un comité
d’experts composé de grands parfumeurs, de critiques, de
connaisseurs et d’historiens du parfum. Ces personnalités ont
procédé à des évaluations à l’aveugle des différentes
propositions et ont voté à la manière d’un jury. Sans
formule existante, il était nécessaire de recomposer la fragrance
au nez, ce qui a nécessité une année de développement et
c’est la proposition du jeune parfumeur Patrice Revillard qui a été
retenue à l’unanimité.
En hommage à la maison de couture qui l’a
vu naître, Iris Gris va ainsi renaître en L’Iris de Fath.
Crédit photo Esxence
J’ai
donc eu le grand privilège de sentir en avant-première, avant sa
commercialisation à l’automne, ce nouvel Iris Gris.
Tout était
là : l’accord iris-pêche, les notes de jasmin de Grasse et
d’oeillet et enfin le vétiver et le bois de santal. Et l'émotion recherchée depuis plus de 20 ans enfin retrouvée.
Le flacon respecte à l’identique le design de l’original complété de quelques touches plus travaillées
Crédit photo Parfums Jacques Fath
Crédit photo Parfums Jacques Fath
Ma
quête de l’Iris Gris, confiée ici il y a quatre ans, aurait pu
toucher à sa fin ce jour de juin 2018. Pourtant, il me faudra
attendre encore...
La grande quantité de concrète et d’absolu d’iris qui compose L’Iris de Fath en
fait le concentré le plus cher du monde. À ce titre, le parfum ne sera édité qu’à raison de 150
flacons par an au prix de 1 470 euros environ les 30 ml
et sa commercialisation sera confiée à une quinzaine de parfumeries
triées sur le volet dans le monde entier. Autant dire qu’il
s’adresse exclusivement à une clientèle de prestige.
Pour
l’heure, la mouillette, soigneusement enveloppée dans un étui de
papier ciré, diffuse ses précieuses effluves dans mon bullet
journal. En attendant la version eau de parfum, plus abordable, qui devrait,
m’a-t-on assuré prochainement voir le jour, je me console avec Lilas
Exquis, une des 4 nouvelles créations de la collection Fath’s Essentials, qui
puise son inspiration dans l’univers olfactif du couturier.
Le
lilas était une des couleurs et des fleurs préférées de Jacques
Fath.
Ici le lilas est agrémenté de magnolia, de violette,
d’angélique et de lys tout en étant entouré de tilleul.